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Bruxelles, Belgium
J’ai travaillé plusieurs années dans le secteur de l’éducation en prison, à l’Unesco. J’ai visité les prisons d’environ 80 pays et ai rencontré des ministres de la justice et de l’éducation, des directeurs de prisons, des éducateurs et des détenus et leurs familles. L’objectif de ce blog est de diffuser l’information que je continue de recevoir ainsi que celle que j’ai accumulée pendant mes nombreuses années de « chercheur principal » de l’Unesco. Un autre objectif est de contribuer à nourrir une réflexion qui est loin d’être close à propos de la prison, de l’éducation, de la peine, de la réinsertion, du rôle de l’état, de la responsabilité du détenu … C’est un vaste débat que l’éducation en prison. C’est pourquoi ce site accueillera toutes les informations, présentations d’expériences, recherches et études ainsi que les initiatives gouvernementales dans ce secteur. Je peux lancer et entretenir ce blog grâce à l’appui de l’Agence Education Formation de la Fédération Wallonie Bruxelles qui a accepté mon projet d’assistanat Grundtvig à Barcelone, pour les quatre derniers mois de l’année 2011. Marc De Maeyer Barcelone, le 7 octobre 2011.

mercredi 2 novembre 2011

Les prisonniers du système

La prison et la négation de la problématique globale

Mettre quelqu’un en prison a toujours été justifié par le bien et la sécurité que l’on va apporter à d’autres personnes: on met le délinquant en prison pour le bien et la sécurité de la société. On connaît les limites de cette mesure et on sait pourquoi et comment elle ne résout rien ni pour le délinquant, ni pour la victime, ni pour la société.

Lorsqu’il s’agit d’enfants et de jeunes, on va reproduire la même justification : on va les enfermer et on dira aussi que c’est pour leur bien… pour les faire réfléchir sur leur délinquance ou les aider à ne pas y tomber ; on les enfermera, pensant que, même pas glorieuse, une solution aura été trouvée. Or, il est un principe auquel on ne peut transiger : l’enfermement de mineurs n’est jamais justifié et ne pourra jamais l’être. L’intelligence humaine et le bon sens peuvent être mobilisés pour trouver d’autres solutions réellement éducatives.

IDAY (journée internationale de l’enfance africaine) et DEI (Défense des Enfants – International) ont organisé en janvier 2011 deux journées d’études sur l’absence et l’urgence de l’éducation des jeunes emprisonnés en Afrique. Ce séminaire de travail avait pour buts, outre de donner une visibilité à une réalité trop méconnue et oubliée, de mobiliser la société civile africaine et les bailleurs de fonds.

On y a constaté que la thématique intéressait trop peu les principaux bailleurs de fonds, bi et multi- latéraux, pourtant impliqués dans de vastes programmes d’éducation. On aurait voulu voir avec eux comment intégrer l’éducation des jeunes emprisonnés en Afrique dans leurs programmes réguliers. L’éducation étant une compétence des Etats, il fallait aussi soutenir la société civile africaine dans ce dialogue encore à consolider.

Car on ne pourra plus se cacher trop longtemps derrière le slogan rassembleur (qui est pourtant un beau programme) de « l’éducation pour tous ». Cet unanimisme devient de plus en plus suspect.
Comme IDAY a eu l’occasion de le faire, il faut énumérer ces catégories oubliées de ce « pour tous » : les enfants sorciers, les enfants domestiques, les enfants en prison et bien d’autres…

Comment rencontrer ces exclus des exclus s’ils ne sont même pas nommés dans les programmes nationaux d’éducation et dans la programmation de la coopération internationale.

La non-éducation est la conséquence et la cause du non développement social, du non développement économique, de l’absence de droits et cela en dépit des multiples programmes qui ne cessent d’être crées, jour après jour, pour le développement de la région africaine qui est la plus grande bénéficiaire des programmes de coopération ; les programmes spéciaux s’additionnement … sans que rien ne change vraiment.

L’éducation et la prise en compte de la complexité

On pourra toujours proposer aux jeunes en prison des ateliers d’agriculture, de mécanique, des cours d’alphabétisation mais si on ne leur présente pas, dans leurs mots, dans leur contexte, cette éducation comme étant d’abord une réappropriation personnelle de leur destin indéfini, on ne fera que les occuper occasionnellement dans un local qui ne leur conviendra pas mieux pour la cause.
La prison est par définition un lieu anti éducatif ; les meilleures volontés et les meilleurs programmes politiques (encore à découvrir) ne transformeront jamais la prison en maison de l’espoir, ou en une étape positive.

Il faut que les gouvernements africains (et tous les autres gouvernements qui emprisonnent des jeunes) sachent que s’ils rassurent leur opinion publique, ils n’en creusent pas moins les bases d’une société (encore) plus violente, (encore) moins instruite, ingérable. L’extrême minorité des jeunes qui sont en prison ne doit pas être une consolation pour ces gouvernements ni une fatalité oubliée qui permette de ne se consacrer – avec des succès divers - qu’à la majorité.

On ne pourra amorcer une véritable éducation pour les mineurs emprisonnés que si on forme d’abord et de toute urgence les gardiens aux droits de l’Homme. Ce sont eux qui peuvent faciliter ou non l’organisation d’activités éducatives ; ce sont eux aussi qui, en Afrique, volent, détournent et confisquent le peu de matériel accessible aux jeunes détenus pour leur survie ou leur éducation ; ce sont eux qui sont pourtant en première ligne pour changer la prison en espace d’apprentissage, d’autonomie et de respect. Toute activité en prison peut devenir une brimade ; elle peut tout aussi bien devenir une occasion d’apprendre. La nourriture, l’hygiène, les relations entre pairs, les rapports hiérarchiques, le lien adultes / jeunes, la compréhension de son existence sont autant d’occasions de comprendre et donc d’apprendre.

La prison ne doit pas ajouter de l’injustice à la violence institutionnelle.
L’éducation ne doit pas couvrir cette injustice en prétextant la paix sociale.





Marc De Maeyer, sociologue, a été pendant 14 ans chercheur principal à l’UNESCO et responsable du secteur de l’éducation en prison dans le monde. Auparavant, il avait dirigé le bureau nord américain du conseil international de l’action sociale. (Montréal) Actuellement, il coopère bénévolement avec IDAY.
marcdemaeyermarc@gmail.com

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